L'imprimé léopard : symboles et histoire

L’imprimé léopard : toute une histoire …

Porté par tout le monde, depuis la préhistoire, de la royauté aux rocks stars, l’imprimé léopard a été à la fois apprécié comme luxueux et sophistiqué et rejeté comme kitsch et trash. Au fil des ans, le motif est passé de la haute couture à la classe inférieure et inversement.

Mais dans le monde naturel, ce que nous appelons largement l’imprimé léopard est conçu pour se fondre plutôt que se démarquer ; ses taches et ses motifs visent à cacher les prédateurs lorsqu’ils chassent dans la flore et les ombres de leur environnement naturel. Ceux-ci fonctionnent si bien que des modèles similaires apparaissent sur plusieurs grands chats, des poissons, des grenouilles, des insectes et même quelques-uns des paléontologues ont émis l’hypothèse sur les dinosaures.

A l’origine, la peau du léopard est un attribut des chefs africains

Dans les tribus africaines, les chefs enfilent des vêtements ou recouvrent leur trône de peau de léopard pour exprimer leur pouvoir : ce superbe félin représentant l’agilité et le courage. Après l’indépendance de la République Démocratique du Congo, les politiciens ont arboré fièrement la toque en peau de léopard pour montrer leur pouvoir et ainsi cette coiffe fût le symbole de la royauté.

Apparition du motif félin en Europe

A la fin du XVIIe siècle, des expéditions commerciales sont menées et on y découvre des espèces animales non connues rapportées directement à Louis XIV qui les présente fièrement dans son ameublement. Sous le règne de Louis XV, l’art et la mode évoluent et les artistes intègrent les imprimés d’animaux exotiques à leurs œuvres et créations. C’est ainsi que le motif léopard connait un grand succès et s’introduit dans la mode vestimentaire aux travers de différents tissus. Les personnes extravagantes le portent même en total look pour combler tous leurs gouts excentriques.

Signification en Occident

Dans la culture occidentale, l’imprimé léopard prend une connotation entièrement différente, indiquant le statut social ou la disponibilité sexuelle. Teddy Roosevelt, par exemple, se vantait d’avoir tué plusieurs léopards lors de ses myriades d’expéditions de chasse et les présentait comme trophées de prix dans son bureau, preuve de ses prouesses en tant que chasseur. Cette exposition de léopard comme symbole de richesse et de pouvoir fait partie de la vision de notre propre société sur ces animaux. Les hommes européens posaient régulièrement aux pieds de leurs trophées de chasse, symbolisant l’homme dominant l’animal et par extension, la femme. Il est surprenant de souligner que la fourrure de léopard est un signifiant du pouvoir patriarcal dans certaines cultures où les léopards sont indigènes. Par exemple la façon dont les zoulous portent la peau de l’animal lors des cérémonies pour montrer leur force identique à celle du félin. Ce roi de la savane est souple, malin, habille et fort. Les images des indigènes vêtus de léopards et des hommes sauvages, comme Tarzan, sont en grande partie une fabrication d’imaginations coloniales qui associaient les cultures primitives au port d’animaux. Suite à la sortie de ce film, le public a associé ce look à une aventure piquante et captivante et les designers ont commencé à sortir toutes sortes de pièces en imprimé animal.

Le féminisme à travers l’imprimé léopard

La vogue du 20^e siècle pour le léopard a commencé dans les années 1920 avec l’essor de la mode produite en série inspirée par le glamour des stars de cinéma comme Joan Crawford. Après la Première Guerre Mondiale, la femme veut se faire entendre et se fait remarquer en enfilant des tenues tachetées, synonyme de puissance. Ce mouvement féministe pousse plusieurs célébrités, dont les actrices Marian Nixon, Joséphine Baker, Rita Hayworth et Liz Taylor à sauter le pas. La célèbre Pin-Up de l’époque, Bettie Page, ne manque pas d’audace et crée un chahut en défilant et en posant en tenues dénudées imprimées léopard. Elle comparaitra 3 ans plus tard devant une commission contre la pornographie.

Dès les années 50, Christian Dior produit des manteaux en imprimé léopard et averti effrontément les femmes : « Si vous êtes belle et douce, ne le portez pas ». A partir de là, l’image de l’imprimé léopard a évolué pour devenir la « haute couture occidentale des années 1950 et 1960, où porter un manteau de fourrure de léopard évoquait le signifiant d’une femme trophée dans de nombreux médias populaires.

La femme-trophée devenue prédatrice

A la fin des années 1960, l’image de l’imprimé léopard en tant que trophée s’écrase par l’apparence d’Anne Bancroft dans le film The Graduate devenue prédatrice ainsi que par le développement du mouvement anti-fourrure. C’est au travers de podiums de la mode, que ce motif félin est adopté par les célébrités telles que Elizabeth Taylor, Joséphine Baker ou encore Ava Gardner qui les transforment en irrésistibles prédatrices.

Tendance punk rock

Dans les années 70 et 80, l’imprimé s’est à nouveau transformé, devenant un symbole de pouvoir comme un incontournable de la garde-robe des femmes rock. Les hippies, rockers et punks détourneront l’imprimé en symbole de révolte et d’indécence. David Bowie l’incarna dans son look androgyne et extravagant tandis que Madonna l’arbora fièrement dans plusieurs de ses concerts et l’adopta dans sa vie quotidienne pour un look complètement punk et fou !

L’imprimé animal défile sur les podiums

Au cours du siècle dernier, le léopard est passé d’un signe de gout et de richesse à son contraire absolu, comme le démontrent des personnages fictifs comme Peg Bundy dans les années 80 et 90. Les créateurs italiens Roberto Cavalli et Gianni Versace s’inspirent de la désinvolture et créent des collections dédiées à cet imprimé tout au long des années 1990. En 1997, Jean Paul Gauthier fit défiler une mannequin dans une robe en peau de léopard et cela créa des protestations des activistes anti fourrure. Suite à ces émeutes, le grand couturier fu obligé de se défaire de la fourrure et c’est ainsi que la fourrure léopard fu remplacée progressivement par l’imprimé animal. Ce dernier liant esthétisme mais aussi rapport avec l’animal.

Plus récemment, il est réapparu sur les podiums de la haute couture. On le retrouvera sur des escarpins Christian Louboutin ou des sacs à main Dolce & Gabbana.

Indépendamment de l’évolution récente de l’imprimé, l’imprimé léopard continue d’être associé au sex-appeal, à la féminité, à l’indépendance et au pouvoir. Plusieures grandes marques de luxe détournent leurs collections en y proposant des pièces en fourrure ou en imprimé léopard.

La mode léopard est une histoire de gout, on l’aime ou on ne l’aime pas, on le trouvera chic ou plutôt choc voire bas de gamme, mais autant conserver l’espèce animale et opter pour un imprimé nettement plus conservateur. Il est indémodable et revient toujours au goût du jour. Dernièrement, Valentino l’associe à des couleurs fluos tandis que Rolant Mouret l’utilise sur un patchwork pour un style plus futuriste.

De nombreuses femmes continuent de trouver l’imprimé léopard attrayant et audacieux ; non pas parce qu’elles affirment être prédatrices, mais parce qu’elles ne sont certainement pas une proie.

Chaque saison, l’imprimé léopard revient ; il est devenu indémodable et un basique de la garde-robe. Quelle que soit la matière, la couleur, la façon dont il est porté et accordé, il est aujourd’hui hyper tendance.